Comment je tâche d’enseigner la communication
Aujourd’hui, j’aimerais parler avec vous d’un autre usage de la communication que j’ai le plaisir de pratiquer en ce moment et dont l’enjeu est selon moi vraiment important : l’enseignement (j’ai failli écrire l’éducation).
En effet, voilà 6 mois que je suis professeur de Culture de la communication et de relation annonceur pour des BTS Communication 1ere et 2e année et une chose est sûre, il y a vraiment beaucoup à raconter sur cette expérience.
Comme vous le savez peut-être si vous me suivez depuis longtemps, j’ai enseigné la pub à l’IAE de Poitiers durant trois ans à des Master 2 Droit et Marketing. J’avais donc une certaine expérience de la chose. Pourtant, dans la Vienne, il s’agissait d’un module court d’une douzaine d’heures, sanctionné par un rapide examen d’une heure… que je leur avait tout de même concocté aussi sournoisement que nécessaire comme vous vous en doutez.
Ici, il s’agit d’accompagner des jeunes d’une vingtaine d’année à peine, pendant toute leur année scolaire et de les préparer au passage d’un diplôme somme toute assez chargé.
De consommateurs à concepteurs de communication
L’exercice n’a donc rien à voir et même si entrer dans le quotidien de ces jeunes gens n’est pas toujours de tout repos, l’aspect extraordinaire de cette mission est de pouvoir les former sur le long terme. Les former non seulement aux techniques et aux théories de la communication – des notions qui, mine de rien servent véritablement au quotidien des pros du métier – mais aussi leur apporter un regard sur le monde, une curiosité sur leurs semblables et finalement les faire passer de consommateurs à concepteurs d’actions de communication.
Toute une affaire quand toute sa vie on s’est persuadé que le 20H était impartial et que les pubs étaient justes marrantes ou encombrantes.
Je me souviens à leur âge d’avoir eu l’impression de prendre la pilule rouge de Matrix pour entrer dans un monde parallèle à ce que je tenais pour acquis et dans lequel je découvrais qu’une information fiable était une denrée rare qui méritait de sérieuses recherches.
Autant vous dire que devant une salle où presque tous ont un ordinateur sous le nez et où certains ont l’idée amusante d’aller « vérifier » en ligne ce que vous leur apprenez (au moins ont-ils le réflexe de chercher et ça j’apprécie) parce que ça ne correspond pas à ce qu’il croient savoir, ce genre d’apprentissages est important. Bref.
Sortir de sa bulle mais savoir se préserver
Ce temps de formation long permet de drôles de choses…
Travailler ses fiertés et ses « ratés » pour apprendre à parler de soi, faire confiance à l’autre et gérer aussi la sphère de sa vie qui doit rester privée.
Présenter chaque semaine devant la classe une campagne repérée dans son environnement quotidien pour prendre conscience que l’environnement en question est absolument truffé de messages publicitaires.
Décortiquer le message, comprendre à travers la composition et le « wording » les intentions réelles de l’entreprise et de l’agence qui ont travaillé conjointement dessus. Saisir aussi à quelles tendances ou ressorts psycho-sociologiques la création fait référence, pourquoi elle a été déployée ici et maintenant et exprimer une opinion sur sa pertinence… quitte à revoir sa copie durant l’exposé. Bref, apprendre à comprendre une action de communication.
Savoir gérer sa créativité
Et puis apprendre à travailler sur commande parce que c’est un aspect essentiel de nos métiers auquel je tiens à ce qu’ils soient préparés. Je leur explique en quoi en tant que communicants ils ne sont pas des artistes, en quoi l’écoute est primordiale et en quoi se préserver des espaces de création « gratuite et libre » dans leur quotidien est un gage d’épanouissement et de longévité dans leur vie professionnelle qui leur évitera un cynisme précoce.
Ça c’est pour l’aspect « Culture de la communication » puisque c’est le nom de l’une des matières que je leur enseigne.
Vendre c’est important
J’ai aussi le plaisir de leur apprendre à construire une relation commerciale, à la piloter avec ces petits tableaux que trop de gens détestent et surtout, je leur explique POURQUOI ils ont ce genre de choses à faire dans l’exercice quotidien de la communication.
Comme je l’écrivais sur ma Home il y a quelques années, « une bonne idée qui n’est pas efficace est juste une idée ». Dès lors, nous voyons ensemble en quoi la prospection est une étape normale de la vie d’une entreprise, en quoi elle s’intègre à une stratégie plus globale et pourquoi certains indicateurs de performance sont essentiels à la qualité de leur travail.
On saupoudre tout ça de jeux de rôles, de techniques qui paraissent un peu magiques et on fini avec des jeunes qui décrochent leur téléphone avec une aisance… que j’aurais adoré avoir à leur âge !
Ce que j’aime là-dedans
Au final, ce que j’aime dans cette démarche, c’est de voir ces gens devenir doucement des communicants, leur parler d’éthique personnelle et professionnelle, connecter leur discipline aux grandes questions de notre temps (écologie, féminisme, tolérance, pressions sociales, quêtes de sens etc.).
Il est formidable de les pousser à déployer leurs capacités, à aller voir au-delà de ce qu’ils admettaient jusque-là et à donner libre cours à leur curiosité parfois un peu ensuquée par une trop longue exposition passive à ce que nos métiers produisent de moins glorieux.
Et finalement, mais cela devrait se voir de plus en plus ici notamment, ils ont réveillé ma vocation profonde pour la communication et en particulier la création publicitaire. Et rien que pour ça, je les remercie profondément.
« ils ont réveillé ma vocation profonde pour la communication et en particulier la création publicitaire. Et rien que pour ça, je les remercie profondément. »
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